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19 juillet 2009 7 19 /07 /juillet /2009 21:10
Niwaki - Taille Japonaise et Méditation 



" Or donc ce que l'on appelle "art", par le fait qu'il apaise les esprits de tous les hommes et qu'il produit l'émotion chez les grands et les humbles, pourrait constituer le point de départ d'un accroissement de longévité et de bonheur, un moyen de prolonger la vie. "
Zeami (1363-1444) - "La tradition secréte du Nô" - 1418


L'art de la Taille Japonaise ou Niwaki
Les fondements de cet art proviennent essentiellement du culte Shinto ou "Voie des Dieux", la plus ancienne religion du Japon, un mode de vie à part entière, qui repose sur de vastes concepts d'harmonies entre l'homme et la nature.

Les japonais vénèrent donc les kami, esprits des ancêtres et forces de la Nature Mère. Les montagnes, arbres, eaux, vents, pierres, tonnerre... - pour ne citer que les plus importants - y sont considérés comme manifestations divines. Cet art s'est enrichi au fil des siècles, par le biais de diverses influences et philosophies relatives à l'histoire du pays.

Si l'art de dresser les pierres, tailler les arbres "en nuages" ou ratisser des mers de gravier paraît souvent lié au zen, la lecture approfondie du Sakutei-ki - Notes secrètes sur la fabrication des jardins - permet de découvrir que c'est l'inverse, en fait, qui s'est produit. C'est par la création de jardins en suivant les préceptes anciens, que les moines bouddhistes zen ont trouvé un de leurs moyens de parvenir à l'éveil, par l'expression de Soi.

A l'origine, la taille japonaise évoque l'empreinte laissée sur la végétation par les éléments naturels (vent, neige, gel...) ou les animaux (bétail, insectes...). Elle s'adresse pratiquement à toutes les variétés d'arbres et d'arbustes, qu'elles soient à feuillage caduc ou persistant, et à tous les sujets, du plus petit élevé en pot à celui élevé en pleine terre.

Parmi les différents types de taille japonaise (compacte karikomi, sous forme de gros buissons kokarikomi ou de petits buissons okarikomi, linéaire "en plateaux"...) la taille "en nuages" est destinée à donner une végétation tabulaire - diverses mises en forme en dômes multiples - ayant pour but de reproduire des sites paysagers lointains. Elle permet de représenter collines et vallons de campagne, d'évoquer des nuages restés accrochés à la profondeur d'une forêt ou un arbre isolé à l'aplomb d'une falaise, ceci dans le jardin japonais où tous les éléments servent à reproduire l'ensemble d'un paysage naturel dans un petit espace, afin d'en sublimer la beauté.

L'essence de cet art
D'un point de vue rationnel et concret, la taille japonaise est la culture et l'entretien d'un arbre en pleine terre ou en pot, pour ceux qui n'ont pas la chance de posséder un jardin. Utilisant des techniques pratiquées depuis des centaines d'années au Japon, cet Art consiste à sculpter dans un matériau à l'état brut pour atteindre la quintessence de la beauté, à travailler le végétal pour lui donner une impression de vieillesse, de maturité, de permanence dans l'impermanence, afin de suggérer une infime partie du potentiel infini de la nature.

Mais en fait, la taille japonaise est encore bien plus que cela. Incarnant la nature et révélant sa beauté, agissant comme une sorte de baume apaisant l'esprit, elle est une voie de recherche de la simplicité, afin de parvenir au mieux à l'essentiel. Dans sa pratique, son étude et son utilisation en tant que support de méditation, elle donne à notre esprit les moyens de développer une sensibilité accrue aux évènements apparemment anodins de la vie, que le quotidien masque la plupart du temps, et va nous permettre de trouver notre voie à l'unisson, c'est-à-dire en unité, en parfaite harmonie avec le Tout.

Une dimension spirituelle
Il est effectivement possible pour ceux qui le souhaitent, de donner à cet art une dimension spirituelle, sur le modèle des moines jardiniers dans les temples bouddhistes zen, en l'utilisant comme support de méditation.

Ki est le terme japonais qui désigne l'énergie ou essence vitale. C'est la force qui réside à l'intérieur de notre corps et dans tout l'Univers, et qui engendre la vie. Elle se retrouve citée dans de nombreuses cultures sous d'autres noms à travers le monde. Mais Ki n'est pas l'équivalent de l'énergie à proprement parler; il s'agit d'un élément plus subtil, apparenté à la force créative qui préside à la vie et au mouvement.

L'Univers est un lieu sacré, un macrocosme où toutes choses sont interdépendantes. S'autocréant, il se maintient et se développe selon un modèle d'évolution perpétuelle qui se retrouve dans tout phénomène individuel. C'est ainsi que le corps est perçu comme un microcosme sacré qui, en suivant le Dô, équivalent japonais du Tao, est en mesure de s'accorder au flux du pouvoir cosmique et de purifier l'univers en se purifiant lui-même à l'intérieur, par toute pratique de méditation.

Sur le modèle de la calligraphie zen ou hitsuzendô, où le principe cosmique insuffle sa vitalité dans tous les aspects de la création par le biais du pinceau et dans le traçage de l'idéogramme, participant ainsi à la connaissance de Soi à travers le mouvement, il s'agit de réaliser chaque action avec intensité, le but étant de vivre pleinement le présent, dans le calme et le silence, au travers de la taille japonaise.

Laisser passer les pensées après en avoir pris conscience un instant et revenir au relâchement des tensions, à la respiration et à l'activité. La véritable méditation ou zen signifie un état d'être où ne stagne aucune pensée, ni aucun objet, ni aucun rêve ou désir. Il n'y a que le vide, propice à la révélation qui va nous permettre de pouvoir ensuite créer quelque chose de nouveau dans notre vie. Dans ce vide nous avons la possibilité de nous rencontrer, de nous reconnaître. Nous découvrons notre vérité, c'est un silence parfait. Cette méditation peut être pratiquée de manière dynamique. C'est alors dans l'activité elle-même, ici la taille japonaise ou "niwakizendô", que nous trouvons notre véritable paix intérieure.

Créativité et unité intérieure
Cette pratique, tout comme le fait de ratisser afin de créer et de recréer un Jardin Zen, calme le mental et favorise le centrage méditatif, libérant notre créativité et participant à notre unité intérieure.

Il s'agit ici de retrouver la joie de l'enfance lorsque nous utilisions nos mains pour découvrir le monde, créer et manifester ce que nous désirions. Nos mains sont notre mécanisme primaire de connexion avec la vie, elles sont des instruments nous permettant d'exprimer notre créativité et notre originalité. Utiliser nos mains nous remet en contact avec notre monde intérieur. Les textures différentes du végétal nous donnent de l'inspiration et par là même nous permettent de nous enraciner à travers le toucher. Il suffit simplement que notre intérêt nous motive dans la disposition à pratiquer.
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